• Conversations des autres.

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    J'aime écouter la conversation des autres dans les wagons de l’ONCF, ou les cafés d’Al Jazeera. Bleus et dorés. Les autres, leurs habitudes, leurs absences, tout ce fatras bringuebalant...

    Des fois, j'écoute mes propres conversations avec des blaireaux de mon entourage professionnel. Peut-être ont-ils des conversations intéressantes par ailleurs.

    C'est où par ailleurs ? C'est pas vraiment ailleurs, c'est pas vraiment par là. Où-est-ce ? Parlent-ils d'autre chose que ce dont ils me parlent à moi ? Ce qui est passé à la télé ? Ce qu'ils ont mangé durant le Ramadan? Les non-aventures avec les voisins et leur manque de civisme, des gamins boutonneux au Lycée ou des mioches à la maternelle ? Les histoires de la bonne ? Des accidents de la route ? De la pénurie de la levure en pâte ? Les racontars du couloir ?

    Par ailleurs, j'ose croire qu'une étincelle les inonde parfois d'un certain bonheur lumineux, de celui qu'on éprouve après avoir fini un bon livre, cet appétit soudain pour un autre livre à découvrir, pour un restaurant avec des copains, pour une idée, un bricolage. Mais avouer qu'une étincelle met plus le feu qu'elle n'inonde.

    Ce midi dernier, en déjeunant avec eux, sans regret ni enthousiasme, juste de l'appétit, j'ai subi la conversation des autres. Les chaussées trouées dans leurs rues de lotissements fraichement envahis, les murs trop fins, les dégâts des eaux, les années de crédit immobilier, les sacs en plastique du marché du coin.

    Alors j'ai inventé ma conversation à moi, histoire de les faire taire et de manger tranquille.

    « Faut se méfier des moustachus »  que j'ai lancé. Bêtement, sur le même ton.

    « Pas les barbus, notez-bien. Les moustachus. Un moustachu, ça cache une volonté de faire le fier. Un barbu, ça a raison même quand ça ment » !.

    Voilà mes dividendes : un grand silence parlant « mécréant !, emmerdeur !,   ferme ta gueule ! » .  N'importe quoi plutôt que vos histoires. Quand je pense qu'on a minimum tous bac + 5 - de quoi avoir le cafard ! –

    Et je repars de plus belle : sur la poésie sur l'île flottante de mon écran de pc, la mauvaise saison de la « handiya de Tiznit » et le nouveau business miraculeux  du cactus de Rhamna. Ça rigole plus du tout.

    Je savoure mon mauvais thé sans sucre. Les voilà qui se disent. Enfin ! Ils se disent quelque chose. Du regard, de la profondeur sous-jacente, des interrogations.

    Ça nous change de leurs hémorroïdes à ceux-là, qui  meublent mon midi ! Mais si seulement je pouvais passer mes midi à écouter des écrivains, c'est où ?

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 17 Septembre 2010 à 19:50

    délicieux billet, bien plus que tes déjeuners mais qui leur doit tellement que j'ai envié le privilège relatif que tu as de les subir en guise de stimulation créative...

    cela dit, je t'indiquerai bien une table d'écrivains mais ces gens-là sont dangereusement appétissants !

     

    2
    kb
    Lundi 20 Septembre 2010 à 12:39

    Glandu, un écrivain ça n'a pas de conversation  trop occupé à ruminer ses écrits :))

    3
    Lundi 20 Septembre 2010 à 20:31

    Le Kabé! tu as toujours le mot et l'allégorie! Ruminer...justement je me sens des fois une panse, un pré-estomac et une caillette, assomé de milliards de bactérie je sombre souvent dans la douceur de la glandouille!!!

    4
    Mardi 21 Septembre 2010 à 01:51

    je crois que kb fréquente de vains écrivains pour affirmer des choses pareilles... parce que comment quelqu'un qui aurait la générosité de pondre des kilomètres d'écriture en pensant très fort aux gens qui vont les lire avec plaisir n'aurait pas celle de s'offrir de vive voix...

    voila en tous cas un splendide personnage détestable de cinéma, l'écrivain qui écrit comme il respire et publie comme il expire, mais renfermé, se nourrissant de lui-même, dont la mort serait plus profitable à la société que la vie, comme disait ma grand mère qui avait pourtant la gentillesse innée.

    allez, finissons en avec ce pourri ! faisons le mourir  au début du film, d'un coup de coupe papier dans la nuque et on le découvrirait dès la scène d'exposition affalé sur son manuscrit, la main serrant encore le stylo qui ne servira plus à rien, sauf si quelqu'un en hérite évidemment.

     

    5
    douiri
    Mardi 21 Septembre 2010 à 13:32

    Tu évoques un état de la société marocaine consternant. Apparemment tu as raison. Si KB est trop occupé par son énorme "Montblanc" ( je parle du stylo), et si Nassima El Horr ne peut pas résoudre ce douloureux dilemne, je te suggère de te faire inviter à 2 M, Hamid Berrada y tient table ouverte.

    Très important, 20 centimètre de scotch, seul antidote contre les baillements.

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    6
    Mardi 21 Septembre 2010 à 15:07

    Salut l'ami Douiri! Bon début de scenar Salvatorali...une main furtive récupérera les écrits pour relancer l'histoire ...et l'écrivain vivra à jamais!!!

    7
    Mardi 21 Septembre 2010 à 15:19

    pauvre hamid berrada, qui a eu le grand tort de s'attabler un jour avec fouad laroui, vu que ce dernier s'est empressé par la suite de faire de leur rencontre la matière d'une nouvelle de circonstance, paru dans un recueil un peu foireux sous le titre "Tu n'as rien compris à Hassan II"

    donc 20 centimètres de scotch sur la bouche, oui ça peut aider à éviter de trop en dire à certains écrivains...

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